Il giovedi tient de ces films en apparence d’une simplicité affolante, mais qui nous embarquent doucement dans un mol et suave bercement pour une aventure sans but, avant de nous toucher au plus profond de nous-mêmes. Certainement le meilleur film de Risi, cinéaste majeur, hélas pas assez reconnu de nos jours.
Avec une histoire se résumant en une brève phrase (à la suite d’un divorce, les retrouvailles, 5 ans après, d’un enfant et de son père), une durée diégétique se limitant à une maigre journée et des personnages se réduisant à un père et son fils, on pourrait croire à un scénario bâclé. Or, grâce à un Risi très inspiré, dans la finesse de l’écriture, le développement de la psychologie des personnages, le rythme des situations, le choix des lieux, le comique de situation, les magnifiques dialogues, le film prend une tournure insoupçonnée, devenant une sorte de captivant road movie à l’italienne.
La relation père – fils nourrit le film, le transcende, devenant un hymne à la filiation. Pourtant, tout commence froidement, l’un et l’autre se parlant comme deux inconnus faisant maladroitement connaissance, le père se voyant obligé de prétendre être et avoir plus qu’en vérité, l’enfant ne se dévêtant guère de son maintien droit et sévère appris au pensionnat suisse-allemand et renforcé par une nounou ultra-rigide. Puis, au fil du temps, les rapports se débrident, deviennent de plus en plus naturels à mesure que chacun cesse de jouer son personnage. Walter Chiari, campant magnifiquement Dino, e d’un statut comique et ridicule à un homme touchant malgré ses faiblesses et son irresponsabilité qui le rapprochent au fond de l’enfance, alors que le petit Robertino, éduqué aux bonnes manières, finit par manger avec les doigts, si bien qu’une symbiose s’opère naturellement entre les deux personnages antinomiques. L’une des scènes finales, poignantes, m’arrachant quelques larmes au coin de l’œil (ce qui ne m’arrive jamais), vient marquer symboliquement cette union des corps, avant séparés en raison du divorce et de la distance tant physique que socio-économique entre eux.
Abordant un sujet éminemment moderne pour l’époque (qui est plus en pays si catholique), Il giovedi est un film d’une grande simplicité mais qui rend tout aussi simplement hommage à ce qu’il y a peut-être de plus beau dans la vie : un père et un enfant qui s’aiment.