Il s'appelle Walt Kowalski, et il a décidé de ne pas renoncer.
Dans "Grand Torino", Clint Eastwood filme ce qu'est la vie d'un ancien vétéran de la guerre de Corée, il propose le récit d'un témoin d'une époque révolue, celle de l'Age d'or Américain. Tout ici aurait pu laisser penser qu'il allait s'agir d'un film classique, il n'en n'est rien, car avec "Gran Torino", Eastwood montre qu'il sait faire preuve d'une infinie délicatesse.
Walt Kowalski est un vieux grincheux, un homme marqué par son é et qui refuse de renoncer. Mais c'est aussi un homme qui comme tous les autres, peut être amené à changer, car la vie est ainsi faite, et Walt changera qu'il le veuille ou non.
L'élément déclencheur de ce changement, qui sera au premier abord imperceptible pour Walt, c'est le décès de sa femme. Cette dernière était la seule à qui il donnait de l'affection, et maintenant qu'elle n'est plus là, le voilà contraint de se tourner vers les autres. Ce nouveau monde qu'il déteste tant, va petit à petit devenir pour lui le second souffle dont il a besoin depuis bien longtemps.
Walt va retrouver la sensation chaleureuse et réconfortante que l'on ressent lorsque l'on noue de nouvelles amitiés, il va prendre conscience du monde qui l'entoure, sans pour autant l'accepter certes, mais il va malgré lui en saisir tous les bon aspects. Ces voisins qu'il détestait, et plus particulièrement le jeune Tao, vont devenir sa nouvelle priorité.
"Gran Torino" est un film qui vise à briser les frontières, qu'elles soient morales, ethniques ou idéologiques. Clint Eastwood a la formidable capacité de se remettre lui-même en question, car ce qui rend le film si ionnant, c'est que la frontière entre la réalité et la fiction, autrement dit la frontière entre Clint et Walt, est infime. L'acteur est crédible puisque ce personnage est en grande partie composé de lui-même.
On pourrait penser que l'ensemble est finalement très classique, l'histoire peut même paraître bateau, pourtant dans la forme comme dans le fond, de nombreuses subtilités sont disséminées, conférant ainsi à "Gran Torino" plusieurs niveaux de lecture.
Qu'il s'agisse d'une critique de la société Américaine moderne, de la vieillesse, de la solitude, des marques douloureuses laissées par le é, ou tout simplement des bénéfices humains que confère l'ouverture à autrui, "Gran Torino" est une oeuvre riche et profonde. Une oeuvre dans laquelle Eastwood parvient à faire ressortir la beauté à travers la crasse de cette époque sombre, où règne les gangs et l'injustice. Le film fait évidemment penser à "Mystic River", pourtant on ne peut pas dire que le réalisateur radote, bien au contraire car il explore de nouvelles manières de raconter ce qui lui tient tant à coeur. Il le fait avec un humour non dissimulé, mais aussi avec beaucoup de délicatesse et de force. L'émotion est présente également, et elle est lancée à la volée de manière très spontanée, à l'image du personnage de Walt. Rarement un anti-héros a été aussi touchant, et il fallait bien un acteur de la carrure d'Eastwood pour l'incarner.
Fort, poignant, d'une beauté infinie, "Gran Torino" est tout simplement ce que l'on nomme parfois à tord un chef-d'oeuvre. Un film bouleversant sur l'Amérique d'aujourd'hui face à son é, mais aussi son avenir.