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Un miroir collé au plafond où se reflètent des morceaux de visages qui ne sont plus les leurs. Else commence par une panne de sens. Un couple, ou quelque chose qui en mime les contours. Cass, traversée par l’envie, l’instinct, la peau en avant. Anx, pâte molle d’angoisse et de désir rentré. Ils vivent là, dans une ville qui semble dissoute dans l’asphalte, au moment précis où l’humanité commence à se souder à ses objets : tasses dans la paume, mains devenues poignées, torses liés à des murs. Le monde se plie, fusionne, colle. Métaphysique de l’époxy.
Thibault Emin filme cette horreur douce avec une raideur voulue : pas de cris, que des frottements, des étirements, des lambeaux de chair qui acceptent leur nouvelle place. Le spectateur cherche une logique, il n’y en a pas. C’est justement ça qui coince. La terreur, ici, vient de l’inexpliqué qui se veut poétique, mais tombe souvent dans l’allégorie étirée. L’amour est-il une contagion ? Une perte de soi ? Un défaut de fusion ? À force de poser les questions en contrejour, le film noie tout : l’émotion, l’identification, la tension.
Côté formes, pourtant, rien à dire. L’image est belle, d’une netteté inquiète. La photographie de Léo Lefèvre joue sur le granuleux, le presque organique. Shida Shahabi et June Ha livrent une bande sonore à peine audible, presque sous la peau. C’est le genre d’œuvre qui se regarde en se disant qu’il y a là une idée, une vraie, une forme de vertige esthétique et conceptuel… mais jamais le vertige n’atteint la moelle. Il reste autour, serpente, papillonne, se regarde lui-même.
Le problème est que l’expérience se veut sensorielle et sensorielle uniquement. Le scénario est un boyau noué d’intentions symboliques qui s’effondrent à mesure que les corps s’agrègent à leurs objets. À mi-parcours, le film perd son noyau, et le spectateur avec. On assiste à une dérive, belle mais creuse, où la souf se fait abstraite, et l’amour un concept visqueux qui n’a plus de dents. Les acteurs font ce qu’ils peuvent. Édith Proust, magnétique, tente d’ancrer le rôle de Cass dans quelque chose de charnel. Matthieu Sampeur, en Anx, est plus effacé, comme si son personnage l’empêchait d’exister.
Else veut trop dire pour qu’on entende encore. Il parle le langage du geste et de la matière, mais oublie l’impact. Et même si l’objet fascine, même si certaines scènes hantent, il manque ce quelque chose d’indélébile qu’on attend d’une œuvre qui prétend explorer la fusion de la chair et de l’âme. À la fin, on reste sec. Ni chair, ni âme. Juste un film bien fait, mais fermé sur lui-même. Note : 8 sur 20