Voir ce troisième Detective Dee sortir encore une fois sur grand écran a quelque chose de rafraîchissant et de rassurant.
Parce que rarement une telle proposition de cinéma, au sein d'une série , aura été aussi généreuse de nos jours, aussi débridée, aussi folle et aussi furieuse. Parce que rarement une telle proposition de cinéma perd tout sens de la mesure, dans un ravissement des plus salvateurs.
La formule est pourtant connue depuis 2010, où notre enquêteur a évolué dans sa première aventure entre Sherlock Holmes, Vidocq et les aspects les plus reconnaissables du wu xia pian. Mais cette fois-ci, le tout cause aussi de superstitions, d'illusion, de magie, de sorcellerie et d'hallucinations. Ca cause de cinéma quoi, chose que Tsui Hark continue de faire avec une malice et une envie des plus évidentes et sincères. Sa créativité, elle, ne semble avoir aucune limite. Après son affrontement incroyable avec en toile de fond un mystère à base de combustion spontanée, après son incroyable chevauchée aquatique face à un monstre marin, le réalisateur trouve encore le moyen de faire aussi, voire plus fou, en lançant à l'écran dragon, secte masquée, divinités géantes, gorille blanc et carpe volante qui parle.
Le tout dans une énergie folle d'un grand huit qui menace sans cesse de dérailler. Sauf que l'expérience de Tsui Hark fait toute la différence, ainsi que son art de croquer ses personnages et de les rendre ultra attachants ou même simplement débordants de charisme, à l'image de ce clan des mystiques bigarrés transpirant le cool tout droit sorti des antiques séries japonaises, lancés dans d'incroyables chorégraphies quand ils s'engagent dans l'action, la baston et le maniement des armes les plus atypiques.
Sans doute tout cela apparaîtra-t-il un peu brouillon au yeux de certains. Sauf que cela conduirait à confondre générosité et trop plein, énergie et confusion, créativité et joyeux bordel désorganisé. Sauf que Detective Dee : La Légende des Rois Célestes ne ressort jamais affaibli de son énergie pure, ni de son foisonnement, ni de la représentation en mode maousse de ses antagonistes issus d'un autre monde.
Léger accroc à ce spectacle qui frôle le virtuose, défaut récurrent de la série, les effets spéciaux se révèlent parfois perfectibles. Mais ce n'est rien comparé au kiff fantasmatique que le film procure, intense et démultiplié par sa nature autre que l'on n'est plus prêt de rencontrer, à certaines exceptions près, du côté d'Hollywood. Le tout agrémenté de cette culture et de ce folklore chinois revisités à nuls autre pareils, d'une musique haletante, de décors et de costumes tout simplement somptueux.
Fascinant, riche, inventif, Tsui Hark fait merveille et surtout, élève ces nouvelles aventures de Die Renji au rang d'oeuvre immanquable de cet été 2018, une petite pépite déjantée et irriguée d'une énergie étourdissante qui transcende les genres multiples dont il se nourrit et éclabousse l'écran. Au point d'attendre de pied ferme et avec confiance un quatrième volet.
C'est rare de nos jours, vous ne trouvez pas ?
Behind_the_Mask, dragon (très) docile.