En 2017, Emmanuel Macron avait surpris un peu tout le monde en annonçant la restitution d’une vingtaine d’œuvres au Benin, œuvres volées durant la colonisation, des statues et du mobilier royal essentiellement. Personne n’attendait un tel geste et aussi rapidement. Il faut dire que c’est un tabou : restituer des œuvres pillées c’est ettre le crime colonial. Bien sûr c’est une façon aussi de faire de la diplomatie et de reconsidérer des relations longtemps affiliées à la colonisation via la Francafrique.
Car c’est avant tout un exercice inédit cont, entre institutions et états français et béninois. Patrice Talon, le président du Bénin, a misé énormément sur l’identité nationale béninoise. Ce n’est pas par hasard s’il a inauguré il y a peu l’immense statue de l’Amazone du Dahomey face à son propre palais où se trouve aussi le musée dédié à l’accueil de ces œuvres restituées.
C’est ce cadre que la réalisatrice filme ou plutôt cette ation, avec son lot de questions : que faire de ces œuvres, comment les rendre accessibles, comment les béninois qui les ont perdu de longue date peuvent se les reappriorier ? La réponse n’est absolument pas évidente et chacun à son idée en réalité sur le sujet. C’est ce que la seconde partie du documentaire interroge via un débat au sein de l’université d’Abomey-Calavi entre étudiants béninois.
La première partie est plus mystique et silencieuse et plus pertinente aussi, puisqu’elle filme la restitution en elle même, physiquement : de la mise en caisse au musée du Quai Branly à l’arrivée au musée du Benin. Nous suivons les pensées et le point de vue d’une statue du roi Behanzin, mythique roi du Dahomey, qui se demande ce qui se e, parlant dans la langue de son époque, le fon d’Abomey, capitale du royaume.
La mise en scène, quasi silencieuse, parle d’elle même. Lorsqu’elle débarque au palais présidentiel voilà les chaînes qui tenaient la statue défaites. La fin de son asservissement, la libération de toute une nation. On voit aussi dans la transmission les équipes françaises, sénégalaises et béninoises à l’œuvre, les spécialistes qui examinent et commentent. On voit aussi de jeunes béninois porter les lourdes caisses sous les consignes de l’homme blanc, façon de souligner que le rapport de force n’est pas encore entièrement inversé. Tout ceci sans commentaires. Des images pertinentes et parlantes.
La possède encore plus de 4000 œuvres du Bénin. Ces deux douzaines rendues peuvent paraître un bien maigre début. Mais c’est un début auquel peu croyaient. Ce n’est pas sans poser de questions sur l’avenir de ces œuvres en , puisque c’est la raison même de musées comme le Quai Branly. D’une certaine façon c’est la remise en avant de ce patrimoine volé ou obtenu de façon plus ou moins coercitive dans nos musées qui a reeclenché un travail de mémoire des nations africaines et donc des demandes, dont la plupart sont restées lettre morte. D’ailleurs cela pose la question de la constitution des collections occidentales et donc de leur légitimité dans leur ensemble.
Toutefois é cette première partie le film se focalise sur la jeunesse béninoise, souhait de la réalisatrice mais aussi la limite du documentaire car le débat n’éclaire pas. Il n’y a pas d’avis de spécialistes ou d’experts de ces questions. Comme si le documentaire ne voulait pas entrer dans un débat nécessairement technique. Il filme pourtant conservateurs, commissaires, rois du Benin et représentants du culte vaudous venus voir les œuvres en tenues. Or au Benin ce sont ces voix qui sont la mémoire de ces œuvres longtemps confisquées. Elles sont en effet profondément spirituelles et symboliques et au delà du monologue de la statue, cette dimension est occultée, surtout dans une société béninoise où ce sont les anciens qui sont le savoir. Une autre hypothèse a ce point de vue restreint c’est que la réalisatrice a été limitée dans ses prises de vue. Tant en qu’au Benin. Elle s’est greffée à cet immense projet. Elle n’a pas rencontré d’officiels ou autres. Elle était dans le giron d’une communication politique.
Le film apparaît inachevé au même titre que la restitution. Comme s’il s’agissait d’un premier pas. En effet les œuvres, provenant des palais d’Abomey, sont restées à Cotonou, dans une salle qui est celle d’un musée pour un usage qui est celui imposé par l’Occident, en tant qu'objet d’art. Or ce n’est pas que cela, surtout au Bénin où tout est spirituel. Le périple n’est donc pas terminé et plane l’incertitude de l’avenir de ces objets. Abomey en effet n’est pas en bon état. Le Palais Royal n’a plus le faste é. L’écrin naturel de ces œuvres ne va donc plus de soi. Le pays a changé. Sa culture ne se limite même plus au Dahomey d’ailleurs, qui n'est qu’une facette de pays aux langues et cultures plurielles.
C’est dire l’immensité du sujet et du travail qu’il reste à accomplir. Le film en est l’illustration.