Karim Dridi n'a assurément pas compris le personnage qu'est Ken Loach.
Rien qu'à son titre, le documentaire Citizen Ken Loach relève d'une imposture assez dérangeante, cherchant à s'associer non pas au grand classique Citizen Kane, comme on pourrait le croire, mais au documentaire (d'une trempe bien supérieure) Citizen Langlois, sorti un an plus tôt.
Le réalisateur ne tente pas de comprendre son protagoniste, il se contente de le filmer. Et il l'interroge d'une manière assez particulière : des questions rentre-dedans, à la limite de la confrontation verbale. Dridi ne cherche pas à cerner son sujet, il veut simplement faire partie de son propre film (en témoigne cette étrange séquence laissée au montage où, lors de leur discussion dans le train, Dridi donne la caméra à Loach afin que celui-ci le filme).
Les interviews des collègues de travail du militant anglais sont intéressantes, car elles nous révèlent une facette méconnue de tout cinéaste : sa manière de réaliser. Chacun évoque l'authenticité des tournages, conçus pour être les plus réalistes et bienveillants possible envers les acteurs. Entendre ces confessions est un régal, mais voir le maître à l'œuvre, c'est encore mieux, non ? Or, hormis quelques minutes au cœur d'une manifestation, nous ne verrons rien de la direction de Ken Loach. Dridi préfère s'inclure dans le métrage et poser des questions impertinentes, voire naïves : "Vous ne craignez pas de vous cantonner à un style ?" demande-t-il à l'un des cinéastes les plus activistes et opiniâtres de l'histoire britannique. La réaction de Loach en dit long.
Citizen Ken Loach n'est pas un documentaire captivant, mais plutôt le projet filmique d'un jeune réalisateur qui filme ce qu'il croit être une idole, sans comprendre la nature même de son travail.