Borgo
7
Borgo

Film de Stéphane Demoustier (2023)

Voir le film

L'affaire corse

« Ici, ce sont les détenus qui surveillent les gardiens et non l’inverse ». Le ton de Borgo est donné dès les premières minutes : un long métrage à mi-chemin entre film de prison et polar piquant, où la vie carcérale n’est faite que d’exceptions corses.

Borgo est le 4e long métrage de Stéphane Demoustier (si l’on compte Allons enfants qui faisait tout juste 1h), après notamment le succès retentissant de La Fille au bracelet, film de procès lauréat en 2021 du César de la meilleure adaptation et dans lequel jouait sa sœur Anaïs.

Bien qu’un carton d’introduction rappelle que le film est une fiction (histoire de se dédouaner d’éventuelles attaques, les corses présentés dans le film étant tous particulièrement gratinés), Borgo se base sur un fait divers réel, celui d’une matonne arrivé sur l’Ile de Beauté depuis peu et qui s’est retrouvée dans impliquée dans un règlement de comptes entre bandes rivales : « La matonne avait eu à désigner la cible alors que celle-ci arrivait à l’aéroport de Poretta, tâche dont elle s’est acquittée en donnant un baiser à la future victime » relate le réalisateur.

Borgo tire d’ailleurs son titre du nom de la prison concernée, au Nord de la Corse, où se trouve l’Unité 2, une section réservée aux mafieux de l’île, et qui a la spécificité bien étrange de fonctionner « en régime ouvert » (c’est-à-dire que toutes les portes des cellules sont ouvertes et les détenus peuvent circuler à leur guise entre les différentes parties de la prison). Une section où, de manière tacite, les bandes rivales ont un accord de non-agression et cohabitent de manière pacifique. Presque comme au Club Med.

De fait, le film montre bien la nécessité d’adaptation de la nouvelle surveillante pénitentière, pour une prison très spécifique et qui n’a rien avoir avec Fleury, sa précédente expérience. Ici, les détenus sont très bien renseignés sur les mouvements dans l’île, connaissent la vie privée, les lieux de résidence et les petits ennuis de leurs gardiens. Et lorsque la directrice ose restreindre leurs libertés au sein de la prison, les réponses criminelles ne se font pas attendre.

Avec Borgo, la jeune actrice Hafsia Herzi retrouve l’univers carcéral après avoir joué une détenue dans A l’ombre des filles, sorti il y a tout juste 2 ans. Ici, sont personnage de Melissa, bien que du bon côté des barreaux, connaît finalement plus de pressions que les détenus eux-mêmes.

Sa petite famille (une petite fille pas spécialement mignonne et un mari qui a la malchance d’être Noir dans un environnement de racisme latent) en subit inévitablement les conséquences.

Je dois dire que je ne suis pas habituellement un grand fan du jeu d’Hafsia Herzi. J’avais détesté son film Tu mérites un amour, où elle officiait devant et derrière la caméra ; et je trouve qu’elle a trop souvent un air mollasson plutôt inable. Pourtant, dans Borgo (bien qu’elle joue encore un personnage qui manque de fermeté), son jeu m’a plutôt convaincu.

De là à caractériser Borgo de « meilleur polar carcéral depuis Un Prophète », il y a tout de même un pas de géant que les marketeux s'empressent de franchir, mais le film – le meilleur de Stéphane Demoustier à mon sens – n’a pas du tout à rougir. Présenté en début d’année au festival Reims Polar, le film ne démérite pas, se classant devant le Monkey Man de Dev Patel au box-office de sa semaine de sortie.

Borgo constitue le haut du panier des sorties Art & Essai de ce début d’année, se voulant un portrait d’une partie de la société corse actuelle, autant qu’il thriller incisif qui prend le temps de monter en puissance.

7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les meilleurs films primés aux César

Créée

le 24 avr. 2024

Critique lue 1.2K fois

18 j'aime

4 commentaires

D. Styx

Écrit par

Critique lue 1.2K fois

18
4

D'autres avis sur Borgo

L'hospitalité corse

Entrer dans la prison de Borgo, c'est s'enfoncer dans un monde étrange, une réalité carcérale quasi parallèle à celle du reste de la . Comme son concept de prison ouverte, déstabilisant et...

le 10 nov. 2023

41 j'aime

Un mystère corse

Stéphane Demoustier, même si sa carrière est loin d'être terminée, ne figurera sans doute jamais dans le livre des plus grands réalisateurs du cinéma français mais force est de constater que chacun...

le 25 août 2023

22 j'aime

2

L'affaire corse

« Ici, ce sont les détenus qui surveillent les gardiens et non l’inverse ». Le ton de Borgo est donné dès les premières minutes : un long métrage à mi-chemin entre film de prison et polar piquant, où...

Par

le 24 avr. 2024

18 j'aime

4

Du même critique

Annette
10

Adam Driver and the Cursed Child !

Vraiment, ça faisait bien longtemps qu'on n'avait pas vu autant de cinéma dans un film ! Une proposition si singulière, un long métrage de cet ampleur ! Quel plaisir de découvrir en Ouverture de...

Par

le 2 juin 2022

44 j'aime

13

Jake l'éventreur

Je suis surpris de lire autant d’avis aussi négatifs sur Road House. Certes, clamer au chef d’œuvre serait légèrement disproportionné, mais j’avoue que je n’ai pas é un moment déplaisant en...

Par

le 25 mars 2024

43 j'aime

6

One Love, One Heart, One Destiny !

Les biopics musicaux ont bien souvent un point commun : celui d’être décriés à leur sortie, car jamais assez proche de la réalité, de la vie de l’artiste, de l’image que l’on s’en fait. Mais en...

Par

le 12 févr. 2024

40 j'aime

6