Tout commence comme dans Phénomènes : une étrange force s'empare des gens et fait sombrer le monde dans le chaos.
Puis vient rapidement le huis-clos, avec les niaiseries habituelles telles que le mec grand et baraqué (cette fois-ci noir, pour faire dans la mixité) qui débite des banalités en souriant pour sociabiliser avec la femme solitaire et canon ; mais en réalité parce qu'il projette de la sauter.
Et on enchaîne les anti-stéréotypes subtils mais ne se détachant pas beaucoup de la culture américaine : leçon sur les femmes sachant utiliser des armes à feu, conseils égoïstes donnés aux enfants en hurlant sur un ton autoritaire pour assurer leur survie, et un homme à la carrure frêle et en costume-cravate, sapé comme l'avocat du diable, image de l'intello bureaucrate inoffensif en apparence (mais forcément une ordure, car intello !), en guise de cheval de Troie. Par contre, le psychopathe du quartier joué par J.Malkovitch s'en sort en héros ; il faut bien redorer le blason de l'égoïsme primaire qui on le sait bien (sic) permet la survie de la société.
Et puis ensuite un sacrifice qui aurait pu être évité, déclenchant la fuite finale, avec bien sûr des enfants qui savent nager comme par miracle, et une arche de Noé avec des aveugles qui vivent d'amour et d'eau fraîche au beau milieu de la forêt en discutant philosophie sous une verrière emplie d'oiseaux des tropiques.
Mais où va-t-on, où va-t-on...
Bon, à la fin il y a quand même une morale basée sur l'amour et la coopération. Parce que bon, on est des enfoirés mais il faut quand même pas trop que ça se sente, donc pour faire oublier tout ça rien de tel qu'un volte-face en faisant mine qu'on est aussi des gens cultivés. J'exagère un peu, car au fond, en reparcourant le fil directeur, on s'aperçoit que l'héroïne a été élevée à la dure par un père brutal, ceci expliquant son caractère, et que le prince charmant de l'histoire est en réalité le seul personnage spirituel, presque religieux, inspirant à la jeune mère à l'instinct maternel refoulé l'image d'un monde meilleur, ainsi que l'importance cruciale de la volonté pour parvenir à cette fin. Et puis les personnages réellement égoïstes de l'histoire se sont avéré être ceux qui la font le moins avancer. Donc la révélation qu'elle va vivre n'est pas qu'un lapin sorti d'un chapeau.
Tout ceci m'amène à une intuition : en fait, les américains ne rêveraient-ils pas de se sortir de ce cauchemar éveillé qu'est leur instinct de survie se retournant contre eux en prédateur, après avoir servi à leurs désirs expansifs ? Leur histoire brutale ne laisserait-elle pas place à une angoisse, comme celle de n'avoir plus rien à ronger, ou d'être coupable ?