A tombeau sous verre.

Un seul élément justifie qu’on aille voir ce film qui donnait tout sauf envie : son réalisateur, Edgar Wright, l’un des seuls à avoir su, ces dernières années, mettre en place une réelle mise en scène au service de la comédie, et à qui l’on doit la fameuse trilogie Cornetto.


Wright, récemment viré du plateau d’Ant-Man, semblait garder sa singularité et sa liberté d’expression, ce qui ne pouvait que motiver quant à la suite de sa filmographie.


Baby Driver s’ouvre sur des démonstrations de force : le cinéaste sait filmer, et le prouve à travers une poursuite de voiture tenue d’une main de maître, toute en fluidité et énergie racée, avant une séquence de générique dans un plan séquence tout aussi virtuose et jouant la carte de la comédie musicale. Les mouvements et l’interaction avec l’activité urbaine sont chorégraphiés au millimètre, l’euphorie communicative. Ajoutée à la séquence du lavomatic qui dispense savamment les couleurs dans les différents tambours, on se croirait presque chez Jacques Demy.


Voici pour la patte Wright, qui reviendra à plusieurs reprises, faisant de la musique son principal allié : l’ambition clipesque est totalement assumée, les braquages se faisant écouteurs sur l’oreille en son off pour le spectateur, les fusillades poncutée sur la chanson Tequila, la romance sur de la soul ou les affrontements sur du Queen. Pour le reste, un montage épileptique à la Guy Ritchie nous apprendra que la hype du film d’action n’a toujours pas trouvé son renouveau, au risque de basculer du côté ringard de la force.


Le mouvement de caméra, la BO : voilà tout.
Car pour le reste, Wright prouve qu’il est terriblement seul et démuni quand sa bande de potes surdoués (Simon Pegg & Cie) délaisse le devant de la caméra et l’écriture.


Ses personnages sont d’une fadeur à faire pâlir une série d’M6, entre une endive à qui on aurait ajouté des cicatrices pour lui donner de la présence, Kevin Spacey qui cachetonne paresseusement et Jamie Foxx qui cabotine à n’en plus finir.


On prend conscience que Wright court après, ce qui ne lui ressemblait vraiment pas : Drive, sans l’intensité, Les Gardiens de la Galaxie pour l’aspect compil, mais sans le fun.


On ne s’étendra pas sur le scénario, qui alterne entre formatage et ennui avant de carrément s’offrir le luxe de se foutre du spectateur, dans des revirements et sa bluette du bon samaritain.


Constat cruel : la machine est bien rutilante et le chauffeur de talent, mais la route est morne, et l’on n’a nulle part où aller.

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le 23 juil. 2017

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Sergent_Pepper

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