La mégère apprivoisée.

Avec sa flopée d'Oscars, son couple vedette mythique, son Technicolor rutilant, sa reconstitution qui envoie du bois, sa durée digne d'un feuilleton de l'été, "Autant en emporte le vent" est l'archétype même du classique intouchable, de la grosse machine maousse costaud dont on ose à peine dire le moindre mal, sous peine de se faire lapider par une armada de gardiens du temple hystériques.

Pourtant, derrière le "chef-d'oeuvre impérissable", le "monument du septième art", le "seul putain de film de sa mère trouvant grâce aux yeux de l'arrière grand-mère", "Autant en emporte le vent" n'est rien d'autre qu'une version thunée et prestigieuse d'un épisode de "Amour, gloire et beauté", un concentré de roman Harlequin pas inintéressant dans sa première heure grâce à son contexte historique mais qui vire rapidement au mélodrame le plus pompeux, le plus impudique qu'il soit, prenant en otage le pauvre spectateur afin qu'il verse toutes les larmes de son corps.

Et ce n'est certainement pas son couple ultra bright, giga glamour qui viendra arranger les choses, "Autant en emporte le vent" nous présentant l'héroïne la plus détestable de toute l'histoire du cinéma, petite fille riche pourrie gâtée à l'égoïsme flamboyant, catin intégrale incarnée par une Vivien Leigh à flinguer pour qui jeu rime forcément avec minauderie. A ses côtés, la moustache frémissante de Clark Gable fait tout de même forte impression, malgré un personnage tout aussi égoïste et machiste, mais dont le flegme et une certaine mélancolie font er la pilule.

Cela dit, il n'est pas interdit de voir dans le portrait de ces deux enfoirés ne pensant qu'à leur gueule un des premiers couples foncièrement rebelle et punk d'Hollywood, outsiders aux moeurs légères s'amusant comme des petits fous à ruer dans les brancards, à se jouer des convenances de leur petite aristocratie étriquée.

Interminable soap véhiculant un point de vue simpliste sur la guerre de Sécession et surtout une image scandaleuse de l'esclavage (une partie de plaisir, apparemment), habité par des protagonistes soit détestables, soit niais à bouffer du foin, "Autant en emporte le vent" reste cependant un superbe livre d'images d'une beauté incomparable, chaque plan mis en boîte irradiant de toute part grâce à une direction artistique splendide et à un travail remarquable sur la couleur et la photographie, sauvant les meubles de ce qui reste pour moi un des films les plus surestimé de tous les temps.
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Créée

le 20 août 2014

Modifiée

le 19 août 2014

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Gand-Alf

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"-Rhett, if you go, where shall I go, what shall I do? -Frankly my dear, I don't give a damn."

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