Blessée et hagarde, une jeune femme se réveille dans une station spatiale où elle découvre les cadavres mutilés de ceux qui semblaient être ses collègues et amis scientifiques. Alors que des flashs désordonnés des évènements lui reviennent en mémoire, elle réalise la précarité de sa situation...
Si un fan hardcore de "Dead Space" s'était envoyé en l'air en orbite avec Panos Cosmatos ("Mandy") devant une projection de "The Thing", le rejeton qui serait né de cette nuit de folie s'appellerait sans doute Flying Lotus ! En plus d'expliquer son pseudonyme improbable, cette hypothèse rendrait en effet parfaitement justice aux influences de la sidérante atmosphère du trip spatial concocté par cet indéniable esthète cherchant à faire palpiter la rétine du spectateur au moindre plan.
Dieu sait pourtant qu'avec le temps, les univers confinés imaginés sous un afflux de néons multicolores en sont venus à nous sortir par les yeux mais, bizarrement, au sein de cette station spatiale perdue sur une planète au climat mortifère, ce choix apparaît comme le meilleur, participant à amplifier à la fois le sentiment d'esprit fragmenté de son héroïne qui y erre en quête de lumière sur elle-même et le caractère anxiogène de la noirceur énigmatique qui s'y est imprégnée.
En cela, la filiation avec Panos Cosmatos sonne comme une évidence: par ses choix plastiques, "Ash" fait complètement répercuter la perte de repères de son personnage principal à ce monde inconnu auquel elle se (re)confronte pour créer une vraie et belle identité esthétique atypique capable tout autant de nous prendre à la gorge lorsque les flashbacks à l'intérieur même de la station se révèlent peu à peu à nous (et c'est bien sûr là que la référence à "The Thing" est la plus flagrante) que de nous emporter dans des fulgurances d'imageries cosmiques colorées quand le labyrinthe mental se mêle au cadre interstellaire ou avec une ambiance clairement inspirée de "Dead Space" (jusque dans les tenues d'astronautes) qui laisse éclater une part d'envie rageuse d'horreur à l'écran.
Bref, visuellement (et ce malgré un budget que l'on ne sent pas important), "Ash" a un caractère singulier assez sublime qui ne peut laisser de marbre aussi bien en termes de survival SF que dans la divagation contemplative à l'intérieur de ses (é)toiles de cinéma.
Sur le fond, c'est hélas un peu plus compliqué.
Non pas que "Ash" déçoive sur sa globalité car, si sa proposition n'est pas forcément des plus originales, se contentant de remixer à sa sauce des éléments connus du genre et d'y instiller une aura de mystère afin de reprendre à rebours ce type d'intrigue avec une héroïne survivante et amnésique, il faut bien avouer que, lorsqu'il transcende le tout par ses atouts formels, le long-métrage de Flying Lotus a toujours les cartes en main pour séduire durant ses moments les plus intenses (et sa seconde moitié en a à revendre).
En réalité, c'est plutôt sa bien trop longue exposition qui le handicape en cherchant à tout prix à maintenir le brouillard sur les évènements ayant conduit à cette situation et le condamne à faire un dangereux surplace autour de la condition du personnage principal. Même si l'arrivée du protagoniste d'Aaron Paul et quelques éléments permettent de changer un peu la dynamique, "Ash" s'éternise tellement sur cette amorce qu'à mi-parcours, il donne l'impression de ne jamais pouvoir s'en décrocher pour enfin décoller vers les cimes qu'il mérite.
Comme on l'a déjà dit, ce ne sera heureusement pas le cas et sa deuxième partie (particulièrement son climax) va faire évaporer ce sentiment par tout ce qu'elle a à proposer pour revisiter les codes du pur survival SF (à ce titre, la prestation d'Eiza González la fait figurer en bonne prétendante à la descendance d'Ellen Ripley) mais, malgré toutes les qualités et l'énergie qu'il déploiera à l'écran, "Ash" ne pourra faire oublier son "faux-départ", faisant de lui une oeuvre imparfaite mais très prometteuse vis-à-vis de futures envolées cinématographiques qu'aura à nous proposer Flying Lotus.