Les débuts du cinéma parlant donnent une dimension particulière à ce film de guerre et on pardonne aisément les longueurs, les portraits et les discours peut-être trop candides, aujourd'hui. La peur et les rêves de gloire balayés, retranscrits par des gros plans sur leurs visages effarés, ne sont pas toujours du meilleur effet mais s'effacent au profit d'une histoire d'un réalisme brut, aux images fortes particulièrement immersives.
A l'Ouest rien de nouveau est un film de guerre avec ses scènes de combats, ses morts, ses moments plus calmes de relâchement et de soutiens amicaux, entre bombardements et lueur d'espoir, mais la grande réussite reste que Milestone choisisse le côté allemand pour parfaire son message pacifiste, et évitera les actes héroïques par des moments de solidarité, venant confirmer une bienveillance et un humanisme, quelques années seulement après la grande guerre. Un propos politique et social d'autant plus incisif qu'il vient en écho à l'époque troublée des années 30 et du second conflit à venir et rajoute à l'absurdité de la guerre, l'aspect plus dramatique et désespéré du décalage familial et social, pour celui qui ne retrouvera sa place qu'en retournant au combat.
Dès l'introduction, les jeunes élèves sont confrontés au bellicisme exacerbé de leur professeur les enjoignant à se sacrifier pour la Patrie, et qui continuera encore avec ses élèves de plus en plus jeunes, sans qu'aucune réflexion ne puisse le distraire de son fantasme de grandeur. Loin de la guerre les idées fusent à l'instar de ce groupe d'hommes qui lors d'une permission d'un jeune soldat seront prompts et efficaces à lui soumettre leurs plans de bataille, remettant la jeunesse à sa place.
En lieu et place de l'adjudant chef de Full metal jacket, auquel on pense comme inspiration de Kubrick, les jeunes recrues auront leur sergent, si ce n'est que notre homme, facteur de son état et qui reprend son grade, est plutôt pathétique et en quête de reconnaissance, et la perte des illusions fait déjà son entrée lorsqu'à leur arrivée ils s'amusent de leur homme avant de devoir se traîner dans la boue, face contre terre, perplexes face à cette condition, devant le sourire satisfait de celui qui parade. Un quotidien rapidement délétère pour ces jeunes soldats inexpérimentés, prêts à en découdre avant d'être rattrapés par la réalité des champs de bataille.
Les décors souvent étouffants sont parfaitement filmés et cadrés. La mise en scène est moderne et dynamique, aux plans latéraux et divers travellings étonnants et la maîtrise des multiples sons, amplifiés par la répétition sont d'une violence et d'une précision impressionnantes. Les scènes de tranchées désordonnées, et celle du no mans' land méritent à elles seules le visionnage.
Une belle leçon cinématographique et un film à voir certainement.