Zero ou l’histoire du boxeur trentenaire, Goshima...
C’est un Taiyō Matsumoto qui prend ses marques, qui débute, un univers graphique et thématique à l’état embryonnaire qui ne demande qu’à se développer, qu’à exploser: utilisation poétique de métaphores, la marginalité du personnage principal… Plusieurs éléments qui feront la puissance de Ping-pong, cinq ans plus tard, également publié dans Big Comic Spirits.
Le découpage du premier tome est très conventionnel, alors que le second aura tendance à se libérer des contraintes à mesure que la folie gagne du terrain et que le climax se rapproche. L’utilisation du noir est magnifique et le tome 2 est marqué par certaines cases particulièrement sublimes.
D’un point de vue narratif, le contrepied est ici de prendre un personnage en fin de carrière alors que les mangas de sport ont tendance à s’attarder sur les jeunes talents en pleine ascension, et de suivre cette ascension. Cela dote le manga d’une certaine mélancolie malgré la folie de Goshima, tout en se concentrant sur la fin d’une ère, d’un rêve. Et c’est ce qui est absolument brillant dans ce titre (aux antipodes d’un Coq de Combat): à travers un match occupant tout le second volume, Matsumoto développe une connexion entre deux personnages, et l’action n’est que le prétexte d’une transmission tissée subtilement, puis ostensiblement au cours des chapitres.
Ainsi, en plus d’être de plus en plus palpitant, Zero est extrêmement touchant, et ce malgré ses petits défauts qui paradoxalement renforcent cet attachement. Zero est aussi le titre le plus tragique de son auteur, le plus éprouvant, le plus mélancolique. Mais Zero était surtout une promesse, celle d’une grandeur à venir, et on sait depuis longtemps que cette promesse a largement été tenue.