Ambitieuse idée lancée à la fin des années 1998 par deux des grands maîtres (et pas des plus sérieux) de la bande dessinée contemporaine, Lewis Trondheim et Joann Sfar, rets par une dizaine de collaborateurs talentueux, la série des Donjon est un monde tentaculaire autant qu’une aventure éditoriale. Elle se déroule dans un cadre d’héroic fantasy cartoon, parfois parodique, très proche des jeux de rôle tels que Donjons et Dragons. Ce Donjon est ainsi le centre principal, lieu tenu par le maître des lieux, assisté de ses employés pour défaire les téméraires aventuriers qui veulent y prouver leur valeur.
Pourtant, avec une demi-douzaine de séries et une cinquantaine de tomes, s’intéressant à différentes parties chronologiques, correspondant à la formation, l’apogée et le déclin de ce donjon, il peut être décourageant d’aborder ce monument de la bande dessinée française. Même si les séries sont assez indépendantes entre elles, la question reste la même, par quoi commencer ? La page Wikipedia propose ainsi trois ordres de lecture possible, sans se mouiller.
Ce que je peux vous conseiller, c’est d’aborder les Donjon Parade. Je l’ai fait, et on n’a pas retrouvé mon cadavre desséché dans les douves (ou alors c’est mon esprit qui est avec vous).
Les Donjon Parade représente une sous-série, qui prend place à une période du Donjon fixe, sans grands changements importants. Hyacinthe de Cavallère, le gardien du Donjon, est ainsi le propriétaire des lieux, qui veille à son bon entretien. Un peu cynique et désabusé, il est tout de même loyal envers ses employés, qui le lui rendent bien. Parmi ceux-ci, il y a Herbert, dont l’épée est enchanté, un peu pleutre mais sympathique, Marvin, homme fort du château un peu grognon ou Grogro, force de la nature mais un peu simplet.
Les Donjon Parade constituent des petites aventures indépendantes, à la douce fantaisie, relevée d’un petit cynisme pas piqué des gobelins. On s’y débarrasse des problèmes plus souvent par la ruse ou la force que la diplomatie ou la force de l’amitié. Quelques albums sont un peu en dessous, mais c’est aussi une constance dans la pléthorique production des Donjons, et les meilleurs offrent de très bons moments de lecture. Les tomes ne font qu’une trentaine de pages, il s’agit d’aller à l’essentiel, pour des moments de divertissement parfaitement assumés.
Parmi les meilleurs représentants, de ceux qu’il faut lire, le premier « Un Donjon de trop » est assez amusant, avec un Donjon concurrent qui s’installe à côté et fait une concurrence terrible. Dans « Le jour des Crapauds » c’est la panique quand des crapauds ninjas envahissent la place, libérant d’antiques vampires. Et enfin « Des fleurs et des marmots » où le jour « parent-enfant » dans le Donjon se transforme en aventure pour aller déboucher les toilettes bouchées du lieu, tandis qu’un nouvel écosystème éclot.
« Le Sage du ghetto » est bien, mais sans plus, tandis que « Technique Grogro » est assez faible. Je n’ai pas encore mis les mains sur le dernier tome sorti en 2021.
Ce dernier tome, qui fait partie de la vague de nouveaux titres des Donjons après une interruption de près d’une quinzaine d’années, a été dessiné par un nouveau venu, Alexis Nesme. Ce n’est rien de moins que Manu Larcenet qui a illustré les cinq premiers tomes, lui aussi un grand nom de la bande dessinée contemporaine, dans un style légèrement cartoon, bien en phase avec le ton de la série.
Lewis Trondheim, Joan Sfar et Manu Larcenet sont sur un bateau, et il s’appelle Donjon Parade. La série est une bonne porte d’entrée pour découvrir un petit bout de la licence mère des Donjon, d’autant que les aventures proposées sont le plus souvent pleines d’idées et de fantaisies, avec un léger humour moqueur et caustique assez plaisant. Ces Donjon Parade recherchent le divertissement, sans états d’âmes, sans grandes révélations, les albums n’en ont pas besoin, on s’amuse avec les personnages des mésaventures survenus autour et à l’intérieur de ce donjon.