Mises en abyme
La qualification de "roman graphique" n'a jamais été aussi adaptée. En effet, la narration associe, comme dans un roman, de nombreux thèmes et plusieurs histoires qui se superposent, dans une...
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le 30 août 2018
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Avec Moi, ce que j’aime, c’est les monstres (2017), Emil Ferris nous offre un premier tome aussi monumental qu’atypique, une plongée dans l’esprit d’une jeune fille fascinée par les monstres, la marginalité, et les secrets qui rôdent dans son quartier. À mi-chemin entre roman graphique, journal intime et enquête poético-horrifique, cet album est une déclaration d’amour à la monstruosité sous toutes ses formes.
L’histoire est racontée par Karen Reyes, une enfant singulièrement attachante qui se voit comme une petite détective loup-garou. Fascinée par les monstres et les films d’horreur, elle enquête sur la mort mystérieuse de sa voisine Anka, tout en naviguant dans un Chicago des années 60 où la violence sociale et les non-dits sont omniprésents. Ce mélange de polar, de drame familial, et de réflexion sur la différence donne à l’album une profondeur inattendue.
Karen, en tant que narratrice, est le cœur vibrant de l’histoire. Son regard candide mais incisif, son humour mordant, et sa sensibilité exacerbée en font une héroïne inoubliable. À travers ses yeux, les monstres ne sont pas effrayants : ils sont fascinants, émouvants, et souvent bien moins terrifiants que les vrais humains.
Visuellement, Moi, ce que j’aime, c’est les monstres est un chef-d’œuvre. Chaque page, dessinée comme si elle sortait directement d’un carnet de croquis, regorge de détails stupéfiants. Le style au stylo-bille d’Emil Ferris est à la fois brut et raffiné, oscillant entre réalisme poignant et fantasmagorie débridée. Les illustrations, qu’il s’agisse de portraits, de scènes oniriques ou de recréations d’affiches de films, sont imprégnées d’une intensité qui hypnotise.
Narrativement, l’album est dense et ambitieux. L’intrigue principale – la mort d’Anka – s’entrelace avec des récits secondaires, des flashbacks, et des explorations thématiques sur l’identité, l’histoire, et la culture pop. Ce foisonnement peut parfois perdre le lecteur, mais il fait aussi la richesse de l’œuvre. C’est un labyrinthe narratif où chaque détour révèle une nouvelle pépite.
Le seul léger bémol réside dans cette complexité même. La densité des informations et la multiplicité des styles narratifs peuvent rendre la lecture exigeante, surtout pour ceux qui préfèrent une structure plus linéaire. Mais pour ceux qui aiment s’immerger dans une œuvre riche et immersive, c’est un véritable trésor.
L’humour noir, omniprésent, équilibre parfaitement les thèmes graves abordés, qu’il s’agisse de l’intolérance, de la mort, ou des traumatismes historiques. Cette dualité entre légèreté et gravité donne à l’album une dimension profondément humaine.
En résumé, Moi, ce que j’aime, c’est les monstres est une œuvre magistrale, où Emil Ferris transforme un carnet d’enfant en un tableau vibrant de la complexité humaine. Avec un style visuel unique, une héroïne inoubliable, et une narration audacieuse, cet album est un voyage fascinant dans l’âme humaine et ses monstres. Un chef-d’œuvre gothique et coloré, où chaque page hurle : "Ne jugez jamais un monstre à son apparence".
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Créée
le 23 déc. 2024
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