Avec Mister Miracle, Tom King et Mitch Gerads revisitent le mythe du roi de l’évasion, Scott Free, dans une odyssée introspective qui mêle existentialisme, humour noir et réflexion sur la parentalité. Une lecture aussi captivante qu’étrange, qui impressionne autant qu’elle laisse perplexe par moments.
Scott Free, alias Mister Miracle, est un homme coincé entre deux mondes : celui des dieux du Quatrième Monde et celui de ses propres démons intérieurs. Après une tentative de suicide, il entreprend un voyage mental et physique qui le pousse à remettre en question sa réalité, sa place dans l’univers, et même la pertinence d’échapper à ses obligations (spoiler : on ne s’évade pas de Darkseid aussi facilement qu’on le croit).
Scott est un héros profondément humain, ce qui est ironique pour un demi-dieu. Il doute, il tombe, il se relève, et il fait des blagues existentielles. Aux côtés de sa femme, Big Barda – formidable à la fois en tant que guerrière et pilier émotionnel – il traverse un univers absurde, où les conflits cosmiques sont presque secondaires face aux angoisses du quotidien. Leur dynamique, entre tendresse et répliques cinglantes, est l’un des points forts de l’histoire.
Visuellement, Mitch Gerads excelle à mélanger le spectaculaire et l’intime. Les cases sont structurées avec une précision presque obsessive, mais ce formalisme est contrebalancé par des moments de chaos visuel qui reflètent parfaitement la confusion mentale de Scott. Les couleurs, souvent sombres et désaturées, accentuent l’atmosphère oppressante, bien qu’elles puissent paraître répétitives à la longue.
Narrativement, Tom King s’amuse avec les codes du super-héros pour livrer une histoire qui oscille entre absurde et tragédie. Le ton est souvent décalé, mêlant des dialogues pince-sans-rire à des scènes profondément philosophiques. Cependant, cette approche peut être déstabilisante : certains moments semblent volontairement cryptiques, laissant le lecteur s’interroger sur ce qui est réel et ce qui relève de l’imaginaire.
Le principal défaut de Mister Miracle réside dans son ambition narrative. En jouant constamment avec les attentes et en plongeant dans des thématiques complexes (le libre arbitre, le rôle des dieux, la dépression), le récit risque parfois de perdre ceux qui cherchent une intrigue plus linéaire ou accessible. Mais pour ceux qui aiment les histoires qui font travailler les méninges, c’est un régal.
En résumé, Mister Miracle est une œuvre atypique et audacieuse, qui revisite les super-héros à travers le prisme de l’introspection et de l’absurde. Si elle peut frustrer par son rythme inégal et ses mystères non résolus, elle captive par ses personnages touchants, ses visuels saisissants, et son exploration du sens de la vie. Un casse-tête existentiel en costume moulant, qui mérite qu’on s’y attarde pour mieux s’y perdre.