Au beau milieu d’un océan perdu, une île, formidable découverte effectuée quelques 1900 ans plus tôt. Formidable car en son centre se creuse un gouffre sans fond dans lequel les explorateurs - que l’on appelle désormais les caverniers - découvrent d’extraordinaires reliques de civilisations inconnues et manifestement disparues. Et certains de ces artefacts possèdent des propriétés quasi magiques.
Une ville, Orth, se dresse à présent sur le bord de cette béance, avec son économie, ses lois, sa population, toutes les nations du monde se montrant intéressées par les découvertes réalisées au fond de l’Abysse. Mais l’exploration de celle-ci ne va pas sans réelles difficultés : une malédiction frappent ceux qui s’y plongent, ou plutôt qui en remontent. À différents paliers de profondeurs - L’Abysse est découpée en niveaux, jusqu’à 20000 mètres sous les mers - correspondent différents effets sur le corps, qui vont des vertiges et vomissements... aux hallucinations ou à la mort elle-même ! Et pourtant, le jeu semble en valoir la chandelle...
Le manga suit les aventures d’une jeune orpheline, Rico, qui découvre un robot à l’apparence humaine, mais amnésique, venu lui des profondeurs du précipice. Tous deux décident de partir explorer le gouffre malgré l’interdiction qui pèse sur eux du fait de leur jeune âge. Lui pour retrouver la mémoire, elle sa mère, légende parmi les caverniers, portée disparue après avoir effectué le grand saut du niveau 6 dont on ne peut revenir, et que seule l’élite des caverniers, les "Sifflets Blancs", peut tenter.
Explorant les niveaux les uns après les autres, nos héros en découvrent faune, flore et surtout topographie, Akihito Tsukushi, le mangaka, faisant montre d’un imaginaire d’une rare richesse. Mais c’est surtout la population croisée au fil des chapitres qui jalonne réellement la quête de Rico, puisqu’elle rencontre certains individus ayant décidé de vivre au cœur même de l’Abysse, pour différentes raisons.
C’est à travers ces échanges que la dimension proprement initiatique de ce périple se dévoile, donnant peu à peu au titre une épaisseur que l’on ne lui prête pas d’emblée. De légère la série se fait de plus en plus grave, et son design a priori mignon tranche avec certains développements non seulement dramatiques mais aussi violents voire sordides. Ce qui en fait au final un titre plutôt mature par les thèmes qu’il aborde, sous un vernis otaku au premier abord.
Made in Abyss avait donc tout du titre niche, et c’était le cas jusqu’à ce milieu de l’année 2017. Publié en ligne, de manière plus ou moins régulière, depuis octobre 2012 dans le Web Comic Gamma de l’éditeur Takeshobo, le manga parut d’abord au rythme d’un volume par an avant de voir ce rythme s’accélérer un peu en 2016. Pour des ventes modestes, inférieures à 20000 exemplaires par tome. Le dernier volume paru, le sixième, date de juillet dernier, moment où l’animé prit pour ainsi dire le relai et fit exploser la popularité de la série.
Diffusée au Japon du 7 juillet 2017 au 29 septembre 2017, l’adaptation animée réalisée par le studio Kinema Citrus rencontre rapidement un immense succès, non seulement au Japon, mais aussi dans les communautés de fans d’animés. Signalons d’ailleurs qu’en Wakanim assura le simulcast de la série. Treize épisodes qui reprennent de manière fidèle le manga sans en épuiser la matière, laissant présager d’une future nouvelle saison.
Les raisons de ce succès apparaissent multiples. Mais sans doute l’impression première d’une forte parenté avec l’esthétique et l’imaginaire du studio Ghibli a dû jouer un rôle dans cet engouement. Entre prégnance de la nature, créatures merveilleuses mais parfois inquiétantes et mécanisation "artisanale", il y a indéniablement certains échos. Et ce même si ensuite Made in Abyss trace sa propre route, très loin des standards moraux et des représentations des films de Miyazaki.