Époque d'Edo.
Ogami Itto est le Kogi Kaishakunin du shogun, c'est à dire celui à qui revient le devoir d’exécuter les daimyos (nobles) condamnés à se faire seppuku. En gros il est celui qui coupe les têtes des hauts placés sur ordre shogunal. Son clan, jouissant d'une certaine notoriété et d'un certain pouvoir, est victime d'un complot fomenté par les Yagyu, clan d'assassins appartenant aussi au shogun. Itto, enragé, décide de suivre la voie du meifumado, la voie du mal et des démons, accompagné de son fils tout juste né Daigoro. Père et fils entreprennent alors un long voyage en tant qu'assassins au bout duquel se trouve le clan Yagyu. Entre temps ils eront par l'enfer.
D'abord, Lone Wolf & Cub est une épopée. La majeure partie du récit est coupée en chapitres indépendants dans lesquels les 2 personnages jouent un rôle. Mais au dessus de ces histoires il y a toujours une avancée de l'intrigue, les antagonistes par exemple réagissent et prennent des mesures pour arrêter Ogami Itto, pendant que ce dernier gagne en expérience, notoriété et richesse (ses services d'assassin coûtent beaucoup d'argent). C'est assez important à aborder, le manga fait 28 tomes, de presque 300 pages chacun. Imaginez tout ce que vous allez lire avant de voir le bout de l'intrigue... Lone Wolf & Cub est une oeuvre à entreprendre sérieusement et à doser comme il faut. Dans votre confort et votre intérêt lisez 2 ou 3 tomes par semaine, voir plus si ça vous enjaille vraiment (tant mieux), mais rush plusieurs tomes par jour en espérant voir l'intrigue avancer à grands pas : non c'est suicidaire.
Du coup on en vient au plus gros défaut : c'est assez répétitif, on se retrouve avec pas mal d'histoires similaires. Par contre Kazuo Koike soulève des dizaines de problématiques de l'époque comme la place de la femme dans la société, les complots politiques, le comportement du bushi, la modernisation, les religions, la science, les liens familiaux, l'honneur... Du coup sur le plan de l'univers et de l'histoire le manga remplit parfaitement ses fonctions, une vraie fresque japonaise.
Ensuite vient l'action, point sur lequel je suis assez mitigé. Sur le plan visuel, rien à dire, mis à part un découpage un peu trop récurrent c'est dynamique et très beau tant sur les décors que sur l’esthétique globale. Mais l'action en elle même a un problème, ce problème c'est Ogami Itto, le surhomme. Je crois que c'est impossible d'établir exactement le nombre de personnes qu'a tué Itto le long de ces 28 tomes, mais approximativement ça doit se trouver dans les 500, voir plus. D'un coté c'est justifié par pas mal de choses. On parle du bourreau du shogun, quelqu'un de base nécessitant et une solidité physique et psychique pour remplir cette fonction. Fonction qui d'ailleurs lui demande de décapiter des gens importants par dizaines (et de se faire haïr du peuple par conséquent). Dans l'art de tuer, Ogami Itto est un maitre. Si en plus de ça il est affamé de vengeance, armé d'un dotanuki et d'une poussette multi fonctions (naginatas et fusils multi coups intégrés), imaginez le monstre. Mais bon quand même, au bout d'un moment on ressent presque aucune peur pour lui, les affrontements en sont très chamboulés, on sait qui va gagner, au pire il s'en sortira avec quelques bobos, rien de vilain.
Ensuite, ce que je considère comme vraiment magnifique dans Lone Wolf c'est son coté poétique et émouvant. Quand Ogami Itto tue quelqu'un, il a mal et il pleure, il pense à la vie qu'il vient d'éteindre "dans le sentier du meifumado", il pense ensuite à son fils, témoin de tous ses massacres, il prie, et pense au dénouement final de son périple. Niveau atmosphère/ambiance c'est du haut niveau et et s'il y a un point sur lequel Lone Wolf & Cub excelle absolument tout dans le domaine c'est bien l'écriture des répliques.
En espérant que certains d'entre vous auront l'occasion de l'essayer, malgré sa difficulté d'accès en . Un manga (ou gekiga) non pas parfait dans son ensemble mais parfait dans ce qu'il entreprend le plus. Un incontournable.
Un père connaît le coeur de son fils, comme seul son fils connaît le sien.