Lorsque Régis Loisel et Jean-Louis Tripp commencèrent les premières esquisses de Magasin général, ils étaient certainement loin de se douter que cette série qui s’enrichit aujourd’hui d’un huitième tome allait tant plaire aux lecteurs des deux côtés de l’Atlantique. Nous sommes cousins avec Québec et il n’est qu’à voir le succès de leurs artistes en pour se rendre compte de la fascination réciproque qui unit nos deux peuples.
Dans ce huitième opus intitulé Les femmes, nous retrouvons la petite communauté de Notre-Dame-des-Lacs confrontée à une nouvelle épreuve que l’accent chantant de la quatrième de couverture met en exergue :
« Môman ?... Vous êtes bien silencieuse depuis ce tantôt ? C’est à cause de Monsieur le Curé ?
Ouains, Monsieur le Curé et pis tous le reste… J’suis ben fatiguée de tout ça, là… J’aimerais que tout soit encore comme avant…
Comme avant ? Comme avant quoi môman ? Avant l’arrivée de ce Monsieur le Curé, là ? Avant l’arrivée de Serge pis de son restaurant ? Avant la mort de Joseph, avant que Marie parte pour Montréal ? Avant le charleston pis les élections ? Ou ben donc, ça serais-tu plutôt parce que Marie est en famille pas d’père ?... »
Les femmes restent là, tandis que les hommes sont partis aux bois en cette saison. Et la vie continue pourtant. De messe en messe, de ragot en ragot, sauf que le petit train-train va dérailler. D’abord Réjean, le curé, qui finalement veut vivre autre chose et qui décide de redre Noël pour l’aider à la construction de son bateau. Priver la petite communauté de messes, c’est une sacrée épreuve, mais en négociant bien, Réjean qui veut vivre en homme et non en simple représentant de la foi parviendra à un compromis qui conviendra à tous. D’ailleurs tout le monde n’est pas prêt à voir débarquer un autre prêtre, les souvenirs du dernier ne sont pas si reluisants que cela. Et puis, après l’échec des élections, où il n’y a pas eu de maire élu, n’empêche pas la petite communauté de vivre.
Les femmes portent la vie, et Marie, malgré tout ce qu’on lui disait du temps de son regretté Felix, est enceinte. Elle ne sait pas qui est le père, mais peu importe. Serge est toujours prêt à aider son amie, sa confidente. D’autres heureuses nouvelles se profilent en cette saison sans les hommes. Nous sommes toujours dans un délicieux affect avec cette série qui ne juge pas, ne moralise pas et nous donne de l’humain d’abord. Au travers des mots et des planches sans paroles, nous suivons la vie et son cours, parfois tumultueux, parfois si doux. Une réussite, un petit bonheur qui me font toujours attendre avec impatience le suivant.