Commençons par un oxymore

Je suis le type qui débarque longtemps après la guerre. XIII est naît avec ce titre Le Jour du soleil noir en 1984. Moi, je ramène ma trombine en 2022, soit presque quarante ans après sa sortie. Pour le coup, c'est évident, jamais je ne pourrai réussir à remettre ce premier tome dans son contexte. Je me suis cogné les Jason Bourne, Memento et tous ces films où la mémoire fout le camp, ces grands films ou séries politiques ricains empreints de paranoïa, ces films d'espionnage des années 90 et 2000 où ça castagne de partout, enfin bref tous les éléments qui ont sûrement fait du Jour du soleil noir sa grande originalité à sa sortie. Ayant tout fait à l'envers jusqu'au bout, j'ai même lu quelques BD de série B qui s'inscrivent dans cette veine-là. Autant dire que, pour le coup, j'ai tout faux pour y voir clair.


Il s'agit cependant de composer avec la situation. Il faut balancer aux orties la réaction du "C'est du vu et du revu" pour se focaliser sur le résultat. Le scénario de Jean Van Hamme tient vraiment la route dans un premier opus haletant et bien fichu. Il sème ici ou là de nombreux indices qui, on le sent bien, vont constituer des éléments essentiels du récit. Le mystère est épais, le personnage principal, à défaut d'être attachant, est intriguant, et les ennemis, à première vue, nombreux et variés. Ce premier tome ressemble vraiment à une scène d'exposition. Quelques péripéties en font un opus nerveux mais les portraits des différents personnages sont esquissés avec intelligence. On sent très clairement que Jean van Hamme a su tirer profit de toute l'histoire nébuleuse des États-Unis des années 60-70-80. En clair, quand on referme l'album, on a envie de savoir la suite, illustration évidente de la réussite de l'entreprise.


Porté par un dessin plutôt abouti (même si le trait de certains visages est parfois discutable) et des couleurs un peu trop pastel à mon goût (ce qui n'empêche pas les magnifiques éclairages nocturnes et les superbes scènes autour de la maison où XIII est recueilli), l'immersion est immédiate et on est happé par une ambiance tout à fait particulière. La dernière scène sous la pluie suivie d'une ultime planche qui annonce de nouveaux tons de couleurs permettent de prendre l'entière mesure des différents univers que nous sommes amenés à découvrir par l'intermédiaire de cette saga. Lue aujourd'hui, elle peut effectivement paraître manquer d'originalité. Mais si on fait l'effort de faire abstraction de tout ce qu'on ingurgite depuis près de quarante ans, il devient rapidement évident de mettre en lumière tout ce qu'elle a pu apporter. Un titre, en tout cas, qu'il est impossible d'ignorer... même longtemps après la guerre !

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le 30 mai 2022

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