Italie, dans un futur proche. Raniero, psychologue âgé d'une cinquantaine d'années est en instance de
divorce. Un soir, alors qu'il rentre chez lui, il est victime d'un accident de la route suite à l'apparition d'un
vaisseau spatial dans le ciel. Le moral en berne et le cou maintenu par une minerve, Raniero reprend pourtant
le travail sans raconter son aventure. C'est alors qu'on lui confie une nouvelle patiente : Dora. Elle prétend
avoir vu un vaisseau extraterrestre et communiquer avec celui-ci par télépathie. Bien sûr, Raniero est troublé
par ces révélations et par cette jeune femme. Un à un, il va perdre ses repères jusqu'à ce que sa femme quitte
définitivement le domicile conjugal. Dora se fait alors plus présente et insistante. Elle qui appartient à « la
nouvelle convention » tourne la tête de Raniero qui semble en tomber amoureux.
Mais quelle issue pour cette relation naissante ?
Manuele Fior choisit l'anticipation (avec des détails déjà ébauchés dans « 5000 kms/s » : voitures
électriques téléguidées, papier holographique...) pour nous plonger dans un monde en pleine mutation
sociale (mouvement de « La nouvelle convention » qui prône la non exclusivité émotive et sexuelle entre
autres préceptes). Mais «l 'Entrevue » c'est aussi et surtout une chronique sentimentale dans laquelle on
pointe du doigt la détresse des individus, jeunes et vieux, en quête de repères dans un monde incertain.
Cette rencontre entre cet homme d'âge mûr quelque peu enfermé dans son conservatisme et cette jeune
fille libre ou qui croit l'être... c'est sensible et souvent émouvant.
L'équilibre narratif/graphique est parfait : juste ce qu'il faut de mots, de silences pour ajouter à la force
des sentiments et au mystère. Le dessin au fusain en noir et blanc est charbonneux et expressif.. On baigne
dans une ambiance étrange, pas très gaie, comme dans un conte philosophique et poétique.
J'ai bien aimé cette peinture des sentiments. Cependant cela pourrait ne pas plaire à tout le monde. J'en
imagine déjà argumentant que le scénario est un peu léger, que le choix de la S.F. ne se justifie vraiment qu'à
la toute fin de l'album, que c'est sympa mais pas un chef d'oeuvre...
Mais c'est une BD pleine de sensations, qui ne dit pas tout... et des fois, ça fait du bien !