Le café est sans doute la boisson conviviale par excellence, qu’on la propose spontanément à quelqu’un qu’on reçoit, qu’on en boive un petit verre à la machine à café du bureau en y croisant des collègues, qu’on aille se poser dans un… café pour parler plus tranquillement etc. (bon je dis tout ça mais moi je suis plutôt thé).
Bref, ce qui intéresse Tetsuya Toyoda dans ce recueil de nouvelles, ce n’est pas une étude comparée des Arabicas et des Robustas mais plutôt la rencontre à l’occasion d’un café, l’instant qui se crée et ce que le dialogue révèle sur les protagonistes. J’avoue cependant avoir beaucoup traîné pour l’acheter puis le lire. Pourquoi ? J’avais peur d’être frustré par la lecture de ces très courts chapitres (17 histoires de 12 pages seulement), d’avoir à peine le temps de rentrer dans un récit qu’on me demande déjà d’en sortir pour en aborder un autre. Or ce n’est pas du tout le cas ! Certains personnages reviennent certes d’une histoire à une autre, ce qui évite de les présenter à nouveau, mais l’auteur est surtout très doué pour définir tout de suite des moments. Une attitude ou un regard qui en disent long, un fond de case blanc qui évoque immédiatement la chaleur de l’été… En quelques cases, on se familiarise immédiatement avec les personnages et le contexte. Cette qualité m’a d’autant plus sauté aux yeux que je lisais au même moment de très vieux comics de super-héros, vestiges d’une époque où il n’était visiblement pas encore is qu’il vaut mieux montrer que dire, qu’il vaut mieux laisser le lecteur relier les points que de lui tenir la main tout le long du récit. Dans Coffee Time, le silence est aussi évocateur que les dialogues qu’il entrecoupe.
Mais en plus de tout son talent, Tetsuya Toyoda bénéficie peut-être aussi de la puissance mémorielle du goût et de l’odorat, supérieure à celle des autres sens. Quand il dessine des glaçons tombant dans un verre sur lesquels coule ensuite un café frappé, j’entends immédiatement le bruit des cubes de glace et de la boisson qui s’écoule, mais je vois la scène. Je me souviens de la sensation du soleil sur ma peau, du plaisir de pouvoir enfin se désaltérer et se rafraîchir, du temps qui semble parfois se dilater pendant les chaudes après-midi d’été… toutes ces choses que l’auteur peut se permettre de juste effleurer, en laissant les souvenirs des lecteurs faire le reste. Les courts chapitres de l’histoire deviennent ainsi des concentrés de vie, tantôt drôles, tantôt amers et parfois fantastiques, comme dans le Professeur Menteur qui est mon récit préféré (mais Lost in the Flood m’a également beaucoup marqué, avec sa ville recouverte par l’eau, paysage à la fois familier et surprenant).
Je le recommande donc aux amateurs de tranches de vie et de manière générale aux lecteurs réfractaires aux histoires courtes : plus homogène que Goggles par son thème du moment autour d’un café, il n’a pas les défauts d’autres recueils de nouvelles parfois trop brèves ou trop peu évocatrices pour qu’on ait vraiment l’impression de rentrer dedans.
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