Un Batman plus détective que super-héros
Nous savions déjà à quel point la collection DC Signatures, mettant en lumière le run d’un écrivain sur un super-héros (Morrison présente Batman ou Brubaker présente Catwoman), et bien il faudra maintenant compter avec la collection DC Archives, qui nous présente la série Legends of The Dark Knight, mettant à l’honneur non pas un scénariste mais un dessinateur. En l’occurrence, ici, le talentueux Jim Aparo. Premier volume chez nous, les USA ont eu le droit à des tomes sur Marshall Rogers ou Alan Davies, et un second volume sur Jim Aparo doit sortir en octobre.
Même le plus grand détective du monde a parfois besoin d’aide pour résoudre ses enquêtes. Et les plus grands héros du monde comme les justiciers les plus étranges viennent lui prêter main forte au sein d’aventures fortes en action, mystère et fantastique ! (Legends of the Dark Knight: Jim Aparo vol.1)
Un petit mot sur Jim Aparo, vu qu’il est un peu l’élément phare de ce recueil avec Batman. Né en 1932, Jim Aparo commence à travailler pour DC dans les années 60, sur des titres tels qu’Aquaman ou Phantom Stranger. C’est d’ailleurs ce personnage qui sera associé à Batman dans le premier épisode de The Brave and The Bold qu’il dessine (#98 qui se trouve dans ce recueil). Il restera notamment sur The Brave and The Bold pendant plus de 10 ans, signant année après année des épisodes toujours plus beaux. Décédé en 2005, le talent de Jim Aparo reste encore trop anonyme pour les jeunes lecteurs, au contraire de superstars actuelles comme Jim Lee ou Greg Capullo. Il reste cependant le dessinateur de faits marquants et tellement importants de l’univers Batman comme son combat contre Bane (à suivre dans Knightfall) ou la mort de Jason Todd (dans Un Deuil dans la Famille) et mérite l’honneur d’un tel ouvrage que ce Batman la Légende tome 1.
La particularité des épisodes The Brave and The Bolt dans ce recueil ont la particularité d’offrir à Batman, un héros (ou un méchant) différent à chaque épisode. Et avec ce premier tome nous allons être ravis. Notre héros va se retrouver avec Black Canary, Green Lantern, Green Arrow, Swamp Thing, Etrigan, Wildcat, Sergent Rock, Mister Miracle, Kamandi ou bien encore le Joker et bien d’autres.
Et il est plaisant de voir que les auteurs mettent vraiment les team-up de Batman en avant, ce ne sont pas de simples seconds couteaux qu’on met là juste pour faire joli. Wonder Woman qui se bat sans pouvoir, Sergent Rock qui se croit complètement fou, le Joker en habile manipulateur ou encore le magnifique, touchant et bouleversant épisode #104 avec Dean.
Commençons par les dessins. Personnellement, je suis fan du style d’Aparo. Son Batman ressemble au Batman d’aujourd’hui. Enfin je devrais dire qu’il a inspiré celui d’aujourd’hui. Son Batman est grand, musclé et dégage un charisme fou pour cette époque. Jim Aparo réussit en plus à quasiment donner vie à la cape de Batou, elle n’est pas qu’un simple morceau de tissu qui pend, toujours en mouvement. Par contre rien sur Bruce Wayne, l’identité civile de notre héros est quasiment inexistante dans ces histoires. Et il est d’ailleurs assez amusant de voir Batman agir aussi simplement en public, et surtout en pleine journée, on est bien loin de l’atmosphère sombre et oppressante dans lequel il navigue maintenant.
Ses dessins sont fluides, expressifs et tellement vivants, avec tant de mouvements. Jim Aparo arrive à transmettre un certain réalisme à travers ses planches. Il est cependant indéniable que cela a un peu vieilli à côté des énormes productions actuelles.
Au scénario, nous retrouvons Bob Haney, et ce sur les 23 épisodes (et non 22 comme il nous est annoncé en quatrième de couverture) ! Par contre nous sommes loin du côté « super-héros » propre, c’est surtout l’aspect détective qui est mis en avant. Chaque épisode étant une nouvelle enquête pour notre justicier. On a d’ailleurs clairement l’impression que Batman est un membre à part entière de l’équipe de Gordon, de façon tout à fait officielle. Pas de bat-gadget, pas de Batmobile, pas de Robin, non juste l’intelligence et l’instinct du justicier.
Par moment un petit peu trop, cependant, il est impressionnant de voir le nombre de fois où Batman est assommé ou simplement déé dans un combat. Et dans certaines histoires, il est même complètement en difficulté. Dans l’épisode #100 par exemple, Batman se retrouve en chaise roulante, et dans l’épisode #115 il est même cliniquement mort et ne doit sa survie qu’à Atom.
Qui dit héros et non super-héros, dit méchant et non super-vilains ! Hormis quelques ages du Joker et un épisode avec Double-Face, Batman et ses partenaires d’un jour sont opposés à de simples ennemis, à des gangsters, à la pègre, comme dans tous bons polars. Et cela permet surtout à Haney et Aparo de se concentrer uniquement sur Batman, ses alliés et l’histoire de fond. Et même si la grande majorité de ces histoires sont des histoires policières, qui se succèdent comme les épisodes d’une série télé, on a le droit à d’excellentes histoires d’autres genres.
De la science-fiction avec l’épisode #120 où Batman voyage dans le temps avec Kamandi, de l’action à la Piège de Crystal avec les Metal Men dans l’épisode #113, de l’horreur avec l’épisode #98 où Batman et Phantom Stranger se retrouvent aux prises avec un culte démoniaque où même une histoire à caractère sociale (épisode #102) où Batman et Teen Titans aident à réhabiliter tout un quartier.
Oui il y en a pour tous les goûts, différents genres, beaucoup de personnages, tout cela à travers 23 épisodes, ce qui permet d’empêcher toute éventuelle lassitude.
Cet ouvrage est une véritable madeleine de Proust, une plongée dans un glorieux é de notre Batman. Bien qu’assez tirées par les cheveux par moment, les différentes enquêtes de Batman sont de véritables petites merveilles à découvrir. Haney et Aparo nous offre une vision différente de Batman, il devient plus humain, plus fragile, moins infaillible, tellement loin de celui que l’on connaît aujourd’hui (et qui est tout aussi bon).
Petit mot sur l’édition, encore un gros bravo à Urban, parce qu’avec ce beau bébé de 544 pages, j’avais quelques doutes sur la reliure, il n’en est rien. Comme d’habitude, excellent papier, belle couverture, la totalité des couvertures d’origines, avant chaque épisode.
Un mot également, cela est rare de ma part, sur l’excellent travail de Martin Winckler à la traduction. Le romancier a pris la peine de chercher à garder le ton, l’argot, la syntaxe de l’époque, nous permettant encore davantage de nous imprégner de cette époque et de ces histoires. Rarement autant apprécié une traduction.
Bref, que dire si ce n’est que cet ouvrage est une véritable pépite. De l’or en encre et en papier. Et surtout l’occasion de mettre en avant le travail d’un dessinateur tellement important pour Batman. Jetez-vous dessus et découvrez Batman sous un jour différent mais pourtant tellement captivant.