Parfaitement à mon goût, j’ai été sincèrement bluffé par l’ambition et la finesse avec lesquelles Frederik Peeters compose son univers. C’est une intégrale qui, sans avoir besoin de coups d’éclats tonitruants, laisse une empreinte profonde par la densité de ses thèmes et la cohérence de sa narration.
La BD et la science fiction c'est une longue histoire d'amour, qui invite très mal le public à le découvrir, il y a toujours une friction particulière à entrer dans les classiques du genre et croyez moi, Aâma est loin de ceux là.
Visuellement, c’est superbe. Le trait est vivant, expressif, précis, et pourtant toujours fluide, jamais figé. Il y a une forme de mouvement organique dans chaque planche, une respiration du monde qui donne au récit une matière très particulière. L’univers, mi-rétro mi-futuriste, fait mouche : on y croit, on le sent respirer, on s’y perd avec plaisir. Et surtout, on y revient.
J'irai même jusqu'à que dans le découpage et certaines poses de personnages, il a une petite ambition d'aller taquiner le monde du comics et ce n'est pas pour me déplaire!
Mais au-delà de la forme, c’est le fond qui m’a surtout happé. Aâma, c’est avant tout une plongée dans l’altération de soi, le souvenir, l’évolution. Et cette lente contamination, cette transformation, on la vit autant que le protagoniste. Le héros est loin d’être un modèle, ce qui rend son parcours d’autant plus touchant.
C’est l’un des rares récits de science-fiction à m’avoir autant parlé, sur des sujets aussi vastes que l’humanité, la mémoire, le progrès, ou la parentalité, tout en gardant une certaine légèreté par moments.
Je n’irais pas jusqu’à dire que tout est parfait. Peut-être quelques digressions un peu floues sur la fin, quelques pans qui s’effacent un peu vite dans l’élan de la conclusion. Mais c’est aussi ce flou, ce parfum d’inachevé contrôlé, qui rend l’œuvre aussi marquante. L’auteur ne cherche pas à tout verrouiller. Il ouvre, propose, et nous laisse beaucoup.
Une lecture que je recommande sans la moindre hésitation. L’une des BD de SF les plus intelligentes et sensibles que j’ai pu lire ces dernières années.