Spoogue, une saga d'outre-tombe...
Disclaimer : Cette critique a été à l'origine écrite pour radio campus à Grenoble.
Spoogue est une série qui aurait pu être bien différente si elle avait suivi son premier projet : Au départ commencé par un scénariste et un dessinateur, elle fut finalement, suite à divers quiproquos, menée par le dessinateur seul, laissant son collègue dans les choux et ne gardant que deux personnages de l'ancien projet. Cela tombe bien, l'un des deux personnages gardés donne son nom à la série finalement parue.
Celle-ci, scénarisée, dessinée et colorisée par Olivier Milhiet et parue chez Delcourt de 2001 à 2005, est une saga de trois tomes dans un univers d'Héroïc-Fantasy assez macabre. Le protagoniste principal, Spoogue, est un fossoyeur dans une monarchie où torture et mort sont monnaie plus que courantes. Ajoutons à cela une inquisition plutôt musclée et hypocrite, des sorcières assez présentes qui transforment les membres du clergé en marmite, un barbare qui cherche à pénétrer le cimetière pour ramener les morts d'outre-tombe. Et là, je parle seulement du premier tome ! Parce que s'il y a une critique à faire à Spoogue, c'est bel et bien la densité d'événements : C'est bien simple, énormément de choses se déroulent en très peu de temps, et il est facile de s'y perdre. De plus, entre chaque tome peuvent se dérouler des ellipses de temps assez importantes, comme entre les deux premiers tomes, où une faction de fossoyeurs s'est carrément formées, chacun ayant les mêmes caractéristiques visuelles que Spoogue, à savoir des lévres couturées, des yeux étrécis et des oreilles en bouchon, Rien avant cela ne nous disait que les fossoyeurs étaient une race dans cet univers. Peu de choses sont expliqués, et c'est bien dommage.
Néanmoins, l'univers est intéressant et quelque peu original, les dessins sont somptueux, truculents et quelque fois assez macabre. Le style visuel est maîtrisé, l'histoire nous fait voyager à travers tout cet univers des steppes glacées du nord au barbares du sud en ant par le royaume de Dafal-Sans-Gants Paracétamol. Car oui, dans cet univers, on s'essaye à l'humour, avec quelquefois des effets réussis : l'action en arrière-plan est souvent amusante, mais certains jeux de mots sont diablement lourd et pas du tout naturel. Néanmoins, les dialogues sont savoureux, avec une verve certaine qui plaît toujours.
Un dernier défaut, qui n'en est pas forcément un aux yeux de tous : le personnage principal. Il est attachant, une sorte d'anti-héros qui n'a pas beaucoup de motivations hormis sauver les siens et ramener ses morts au cimetière, et je ne critiquais pas le personnage, qui est pour beaucoup dans l'attachement que l'on peut avoir envers cet ouvrage : Non, je critique notamment le fait que notre héros, celui qui donne son nom à la série, n'est finalement, dans les faits, qu'un simple personnage parmi toute une galerie de protagonistes, on aurait aimé le voir plus en avant, alors que celui se retrouve souvent les bras ballants à rien faire devant les autres personnages qui agissent, il subit plutôt qu'agir …
La conclusion de la série, aussi, pourra laisser un sentiment d'inachevé ou de trop peu chez certains lecteurs, d'autres trouveront la dernière page assez osée, d'autres détesteront la fin, en tout cas, elle ne peut pas laisser totalement indifférent. Et finalement, n'est-ce pas la preuve que malgré des défauts assez flagrants, cet ouvrage nous permet tout de même de rentrer dans cet univers de fossoyeurs et de morts-vivants et de s'y attacher, ne serait-ce qu'un tant soit peu ?
Voilà ce que je retiendrais de Spoogue : Trois tomes très diversifiés, un peu confus, mais qui finalement vous permettent de vous attacher à l'univers. Et c'est déjà bien suffisant pour une première œuvre, car oui, il s'agit bien de la première œuvre D'Olivier Milhiet. Une œuvre qui promet de belles choses pour le futur si celui-ci affûte ses talents ...