L’écume n’est que l’annonciatrice du mauvais temps.
Mazette ! Mais quel festival pour les yeux que ce quatrième tome des aventures de Théodore Poussin ! Décidément, plus j’avance dans la lecture de ce cycle, plus j’apprécie le travail de Frank Le Gall.
Il n’y a pas meilleur endroit qu’un navire pour raconter une histoire, tous médias confondus. Ces espaces de promiscuité subliment toute dramaturgie mise en place. La tension est palpable, les personnages à fort caractères s’entrechoquent, les recoins sombres sont légions, propices aux complots et autres conciliabules, aucune échappatoire… Frank Le Gall use à merveille de ce décor pour nous raconter une histoire intrinsèquement plus simple que l’aventure précédente « Marie-Vérité », mais bien plus nerveuse, propice à laisser le machiavélisme ou la folie latente de ses personnages s’exprimer.
Sans trop dévoiler le scénario, c’est du tout bon. Novembre intrigue plus que jamais, Théodore, toujours autant malmené, perd un peu plus ses illusions, on retrouve avec joie le capitaine George Town, pierre angulaire de ce récit, qui se livre à Théodore, rédacteur malgré lui des mémoires de cet intransigeant pirate..
« Secrets » est, je le répète, un bonheur graphique. Dessinant à merveille les fiers navires, rafiots à vapeur, trois mats aux voiles gonflées, jonques majestueuses, barques pourrissantes, Frank Le Gall, toujours dans un style ligne claire très académique, joue avec les phénomènes météorologiques et l’éclairage. L’album s’ouvre sur une brume tenace aux abords de la côte, plus loin des planches entières ne sont qu’ombres chinoises de mâtures et cordages, une tempête violente est illustrée en hachures furieuses divulguant des silhouettes bringuebalées… C’est juste magnifique.
Pour l’instant sans conteste possible mon album préféré des aventures de Théodore Poussin. Une prodigieuse claque.